samedi 29 juin 2013

Dévorer des livres

Certains ne résistent pas à la vitrine d'une pâtisserie ; personnellement, il m'est également dangereux de rentrer dans une librairie. Je cède à la tentation sous prétexte de faire des cadeaux (que je trouve) et je repars avec ces titres pour moi :

Anthologie de l'OULIPO (ouvroir de littérature potentielle, grand magasin fantaisiste d'un surréalisme sous contrainte volontaire) chez NRF poésie / Gallimard

j'ai à peine feuilleté l'ouvrage que je ne sais lequel choisir. La variation sur "Longtemps je me suis couché de bonne heure" ou la parodie osée des tables de multiplication... l'hybridation de deux fables de La Fontaine ou les poèmes à écrire dans le métro ?
Allez, une proposition de la série des "Jocondes" :

"Dès qu'un tableau est peint, son modèle commence à lui ressembler de moins en moins."

La seconde sucrerie que je me suis permise est d'Ambrose Bierce, Les fables de Zambri, aux éditions le Dilettante. je ne les ai pas encore terminées juste parce que ma fille (l'ado) me les a piquées.

Je ne citerai qu'une morale (qui en vaut beaucoup d'autres) :

"Si le lecteur a compris quelle leçon tirer de cette histoire, il en sait autant que son auteur"



lundi 24 juin 2013

Après une journée d'oral...

Je ne sais pas où vous en êtes, mais voici un seul conseil pour ceux qui ne sont pas encore passés à l'oral : restez dans le dialogue. Cela vaut du début à la fin de l'épreuve.
rien de pire que le candidat qui lit sa feuille sans un regard. déjà l'exposé dure à peine 3mn avec cette technique ; du coup vous avez 17 mn de questions au lieu de 10.
En plus, c'est difficile d'écouter avec attention quelqu'un qui fait comme si vous n'étiez pas là.
Enfin, ce mot de "dialogue" sous-entend la prise en compte de la question donnée avant l'exposé : c'est elle qui doit vous permettre de composer un plan (elle ne peut pas être juste une partie de votre plan).
En revanche évitez de montrer trop ostensiblement que vous n'aimez pas un texte ou de dire directement à l'examinateur que vous ne lisez jamais. C'est bien la sincérité, mais pas au stade de la provocation.
Donc dialogue, oui, confidences non...
Allez, c'est bientôt fini !

samedi 22 juin 2013

Le vide et le plein, par Nicolas Bouvier

"L'écriture naît d'une illusion : illusion que je suis meilleur que moi-même, plus pénétrant, plus généreux et sensible. Illusion aussi que je suis capable d'écrire. Lorsque cette illusion est maintenue assez longtemps -comme un révélateur qu'on porte à température- elle devient réalité, j'écris et je m'ajuste aux exigences de l'écriture."

Nicolas Bouvier, genevois, est un voyageur et photographe qui a beaucoup écrit sur le Japon. Dans cet extrait de ses carnets, Le vide et le plein, il utilise le mot "révélateur" qui ne parle sans doute plus à ceux qui n'ont pas ou peu connu la photo argentique ; la pellicule roulée, la chambre noire (en fait rouge par la lumière) et le bain de révélateur à 20 °C où le papier blanc soudain dévoile la photo longtemps attendue, ses ratés ou ses chances.
Aux archives Départementales de Saint-Denis (à Champ Fleury), une expo sur le photographe Jean Colbe présente ces objets du passé : films, agrandisseurs, révélateurs.
 Allez-y avant que l'expo ne parte : fin le 28 juin !!!! elle est gratuite et possède d'autres charmes comme un extrait de film de François Truffaut tourné avec Catherine Deneuve à La Réunion, sur une route littorale méconnaissable.


mercredi 19 juin 2013

390 bougies...


A cette heure-là, les candidats en S relisent leur copie tandis que les élèves de STMG prennent des forces pour la fin d'après-midi.
Pour passer le temps, j'observe le calendrier des Grands hommes...

Blaise Pascal est né le 19 juin 1623, ce qui lui fait 390 années (enfin seulement 39 tout vif). Entre temps, il nous a laissé une unité de mesure, des progrès scientifiques (inventeur d'une calculatrice mécanique) et quelques pensées...
J'ai demandé cette année à des élèves de seconde de nous aider à comprendre Pascal. Voici leurs réponses :

Pensée N°105 « La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable ; un arbre ne se connaît pas misérable. »
Pascal nous dit que tout être se reconnaissant misérable est grand du fait qu'il se reconnaisse misérable. Donc l'homme de ce fait est grand. Mais l'arbre ne pouvant se reconnaître tel, ne l'est pas. (Elisa)

N°186 « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant »
Cette pensée exprime le fait que l'homme est faible face à tout être vivant, mais étant pensif et intelligent, il peut construire et créer pour « paraître » plus fort. L'homme est faible physiquement mais fort intellectuellement, donc matériellement. (Johan)


N°127 « Qu'on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l'esprit, sans compagnies, penser à lui tout à loisir, et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères. »
j'ai compris qu'un roi sans divertissement est un roi malheureux. Un roi qui n'a pas d'idées est un roi qui ne sert pas à grand chose. (Julien N)

N° 39 « Combien de royaumes nous ignorent ! »
Selon moi, cette pensée fait référence à l'ignorance que les hommes ont par rapport au monde.
D'une part, le monde est trop grand, il y a de trop nombreux « royaumes », trop de cultures différentes, trop de personnes... Il serait alors impossible que quelqu'un sache tout cela.
D'autre part, cela signifie aussi que nous sommes ignorés par beaucoup de personnes mais également que nous nous ignorons nous-mêmes !
Ce qui est frustrant. (Alexia)

-ce qui est frustrant aussi, c'est de ne pas savoir comment ça s'est passé pour vous.


mardi 18 juin 2013

A la veille de l'écrit...

Il y a un grand homme qui s'est éteint en début de semaine. Ce monsieur avait 102 ans, et s'appelait Maurice Nadeau ; écrivain et éditeur jusqu'au bout, il a oublié de prendre sa retraite. Il voulait "le soulèvement des mots" comme "le soulèvement des foules". Il a découvert Georges Perec, un autre personnage de la littérature qui a écrit que "penser", c'est "classer".

Alors pensez, classez, soulevez les mots, soupesez vos idées et faites-les partager à ceux qui liront vos copies. Mais cette nuit, laissez reposer les esprits et les corps.

dimanche 16 juin 2013

Eléments de corrigé pour le commentaire composé sur l'extrait de L'étranger



Cette page extrêmement célèbre de la littérature a de multiples commentaires, brillants. La proposition qui suit se veut, à l'opposé, la plus simple possible. Pour ceux qui ont essayé ce sujet, j'espère que vous vous direz : mon commentaire est meilleur, et que vous aurez raison....

Intro : Etape 1 Incipit (= ça commence) de L'étranger, roman du XXème siècle (1942) écrit par Albert Camus, prix Nobel de littérature. Le personnage de ce roman, Meursault, vit en Algérie, pays natal de l'écrivain.
Etape 2 Pbtique : Comment le personnage principal est-il présenté dans un monde d'emblée opposé au « héros » ?
Etape 3 Plan : Dans une première partie un cadre spatio-temporel hostile
Seconde partie le protagoniste, Meursault et sa relation avec les autres.

1/ Un cadre spatio-temporel hostile (désagréable)

Un temps imprécis, lié au doute du personnage « Aujourd'hui...Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
p. 10 « sans doute après-demain »
première précision « J'ai pris le bus à 2h » mais négatif car il doit courir pour ne pas être en retard.

Retour dans le passé : depuis 3 ans sa mère est à l'asile ; peu à peu il arrête d'aller la voir « parce que cela me prenait mon dimanche ».

Le poids des lieux :
« L'asile est à Marengo, à 80km d'Alger » : donc il doit aller loin, en peu de temps et « Il faisait très chaud » / Lieu présenté : le resto chez Céleste /L'asile « à 2 km du village » obligé de marcher.

2/ « Je » et les autres

« maman » : premier personnage cité, il n'écrit pas « mère », donne un côté enfant à l'adulte. D'ailleurs le directeur l'appelle « mon cher enfant » (p 11)
« Mère décédée » : télégramme froid, rapide, inhumain ?

« Je » récit à la première personne comme une autobiographie (mais c'est un roman) / on apprend qu'il est employé (2 jours de congés à mon patron)
On apprend qu'il est pauvre (emprunt de la cravate p 10) « vos salaires sont modestes » p 11

« je » n'aime pas parler « j'ai dit oui pour n'avoir plus à parler » p 11. : introverti (enfermé en soi)
Il est plutôt solitaire alors que sa mère a réussi à se faire des amis.

La question du bonheur :
elle est évoquée par rapport à la mère « elle pleurait souvent »/ Ensuite le bonheur vient « à cause de l'habitude » p 12, mais lui, est-il heureux ?

Conclusion étape 1 : Le personnage principal de Meursault (sans prénom) est présenté au moment où il perd le dernier membre de sa famille. Mais cette solitude est accentuée par l'absence d'émotions exprimées : on ne sait pas s'il est malheureux. Il semble ne pas avoir de sentiments, mais juste des sensations (ex il fait trop chaud).
Etape 2 : A la fin du livre, c'est cette incapacité à pleurer sa mère qui va influencer son procès et le faire condamner à mort.


vendredi 14 juin 2013

Et l'écrit ça ne se révise pas ?


Si, ça se révise :

Bon, l'avantage d'avoir un prof qui vous a fait une longue liste d'oral (si si il y a quand même des avantages) c'est que vous avez un champ d'exemples possibles beaucoup plus riche pour l'entretien oral et pour l'écrit). Au delà de cette considération que faire ?

Relire vos devoirs de l'année :
Dans les sujets, faire un travail de lecture de consigne : analyser les mots-clefs.
En relisant vos productions personnelles, listez votre propre « pense-bête » ou mémento :

Bon, cette fois je souligne le titre.
Je pense à ne pas recopier le nom de l'auteur avec une faute d'orthographe...
Je ne m'emmêle pas les pinceaux avec le siècle « alors, 1805...c'est 19ème (+1) »
Je fais des alinéas et des paragraphes.
Je pense à des mots de liaisons chronologiques (d'abord, ensuite, enfin) ou logiques (Voilà pourquoi, Ainsi, Cependant, D'autre part....)
Ah, oui les grandes phrases !!! Pas trop de grandes phrases pour éviter les erreurs de syntaxe.
Et le vocabulaire ? J'évite les répétitions.

Pour le commentaire composé ?
Je n'oublie pas d'être clair, explicatif ET de citer le texte par petits morceaux bien choisis.
Je n'oublie pas que je ne présente plus les titres et les sous-titres de parties MAIS que ce plan existe sur mon brouillon.
Je saute une ligne entre intro, développement, chaque grande partie et avant la conclusion.
Mon introduction est un seul paragraphe.
A chaque paragraphe : son alinéa.
Pour l'élargissement final en conclusion, j'utilise ma culture générale, un texte qui fait écho.
Si mon commentaire dit à peu près la même chose que la citation choisie : c'est de la paraphrase, donc inutile.
Mon commentaire doit être la réponse point par point à la problématique que j'ai choisie, et progresser pour finir par ce que je pense le plus intéressant.


Pour l'écriture d'invention ? Sortez les Bled.
Plus sérieusement, voici un cours en raccourci sur le PASSE SIMPLE.

Dans le sujet que je vous ai proposé, il s'agit d'écrire à la première personne :
Groupe 1 en ER : AI
Groupe 2 en IR (-ISSANT) : IS
Groupe 3 (fourre-tout) : is, us ou ins

Exemple : « Soudain je regardai par la fenêtre et je pâlis : je vis … j'aperçus... je pressentis... j'imaginai... mais je m'abstins de parler ! »

Première personne du pluriel : Soudain nous regardâmes par la fenêtre et nous pâlîmes : nous vîmes...nous aperçûmes...nous pressentîmes, nous imaginâmes...mais nous nous abstînmes de parler !

SI le sujet d'imagination est à la 3ème personne :
il regarda (sans T) il aperçut, il pressentit, il imagina (toujours pas de T) il s'abstint
et au pluriel ils regardèrent, ils aperçurent, ils pressentirent, ils imaginèrent, ils s'abstinrent.

La qualité de la langue est valorisée dans les sujets d'invention. N'hésitez pas à vous relire : vous êtes votre premier correcteur ! Pour les angoissés de l'orthographe : c'est la fin des mots qu'il faut vérifier pour éviter les erreurs de grammaire (accords).
Pour éviter les erreurs d'usage, dans le doute : faire le choix de l'orthographe la plus simple. Ou trouver un synonyme plus facile...




jeudi 13 juin 2013

Camus Proust et Duras : questions de Corpus


Avant les questions de corpus : quelques conseils !
Donnez-vous un temps limité pour y répondre (1H15 sur les 4h) car cela vaut 4 Pts en S et 6 en STMG : c'est important mais tout de même moins que les points à gagner pour le sujet d'écriture.

Rappelez vous de traiter de façon comparée les textes, au moins en intro et en conclusion. Vous pouvez en regrouper 2 sur 3 qui vont mieux ensemble.

Enfin, si un texte est très difficile à comprendre (ici Proust à cause des longues phrases) relisez-le tranquillement avec la consigne du corpus à l'esprit et appuyez vos réponses sur les 2 autres textes, sans oublier quand même d'utiliser un peu Proust.

Corrigé Questions de corpus
Proposition d'introduction

(pensez à l'alinéa!) (Même si Montaigne a initié le projet d'écrire sur soi dès le XVIème siècle et la naissance du français moderne), c'est au Xxème siècle qu'a explosé l'écriture du « je », qu'elle soit fictionnelle, autobiographique ou autofiction. Les trois textes de ce corpus appartiennent au siècle dernier ; d'abord Proust a écrit Du côté de chez Swann, premier tome d'A la recherche du temps perdu, au début du Xxème, puis Albert Camus est l'auteur du roman L'étranger en 1942. Enfin Marguerite Duras a publié en 1984 L'amant, primé par le Goncourt.
Qu'apprend-on du protagoniste dans la première page, lorsqu'il s'exprime avec « je » ? Nous verrons ce que le narrateur dit de lui mais aussi ce que la forme de son texte dévoile de sa manière de concevoir le temps.
(pour les questions de corpus, on peut aussi faire une intro plus courte sans le violet et ne pas annoncer son plan à condition de respecter un plan)

On peut aussi tout simplement utiliser la consigne (comparez ce que l'on apprend d'eux et les limites... ) comme plan en 3 parties : l'autoportrait physique, l'autoportrait psychologique et les limites de l'expression à la première personne : le rôle du temps

Pour le développement :

EN VRAC / idées pour le développement à lister au brouillon par texte :
Texte A
je enfantin « maman est morte » contrastant avec l'officiel « mère décédée »
vit à Alger comme l'auteur

pas de prise de conscience de la mort : « comme si maman n'était pas morte »
sensible aux sensations désagréables du monde extérieur « Il faisait très chaud » ou « j'étais un peu étourdi »

en revanche incapable de relation avec les autres : contact avec le directeur « il m'a serré la main que j'ai gardé si longtemps que je ne savais trop comment la retirer ». ou pas de relation avec sa mère « cela me prenait mon dimanche »

je pauvre « vous ne pouviez subvenir à ses besoins » « vos salaires sont modestes ».

Texte B je enfant « couché de bonne heure » mais milieu riche « les domestiques seront levés »
sensible à des sensations agréables « j'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller »

Un je qui appartient au passé «la pensée qu' il était temps de chercher le sommeil m'éveillait » ce paradoxe est doublé par l'impression de faire revivre ce passé : « C'est minuit » présent de narration

Un je très conscient de tout « ouvrir les yeux » « lueur momentanée de conscience » qui fabrique un monde par les livres et en même temps s'identifie aux livres « j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage ».

Texte C :
un je qui communique avec l'autre (discours direct) « je pense souvent à cette image » et garde mémoire de ses rencontres

un je qui se décrit physiquement de 2 façons (alors qu'on ne sait rien du physique des 2 premiers. Au contraire, ici la description détaille toutes les mutations d'un vieillissement précoce « cassures profondes » « un visage lacéré de rides sèches »

Une épaisseur temporelle dès l'incipit par un aller-retour entre le passé proche « Un jour, j'étais âgée déjà », le présent « je pense souvent » et le passé lointain « très vite dans ma vie il a été trop tard »

Un « je » qui s'accepte « Il a été mon visage » mais comme un objet d'étude.

Maintenant que j'ai mes idées par texte, je les rassemble en les triant dans mes parties : attention il ne s'agit pas de faire 3 commentaires composés, donc utilisez les 3 textes mais ne cherchez pas à tout expliquer.

Développement :
        Chacun des textes ne nous livre pas forcément un portrait très complet . La description physique est suggérée juste par la période de l'enfance chez Proust mais sans détail ; on le déduit de la première phrase« couché de bonne heure ». En revanche jeunesse ou vieillesse chez M. Duras sont très détaillées. La narratrice est un  « je » qui se décrit physiquement de 2 façons (alors qu'on ne sait rien du physique des 2 premiers). Au contraire, ici la description détaille toutes les mutations d'un vieillissement précoce : « cassures profondes » révèlent « un visage lacéré de rides sèches ». Pas de portrait moral explicite, cependant la narratrice communique avec l'autre dont elle rapporte le discours direct, gardant la mémoire de ses rencontres  « je pense souvent à cette image ».

Dans l'incipit Du côté de chez Swann, c'est le portrait psychologique qui est analysé avec la même précision que les rides chez Duras. Le personnage-narrateur interne est très conscient de tout, dès l'enfance, il veut :« ouvrir les yeux » et cherche cette « lueur momentanée de conscience ». Le protagoniste se fabrique un monde par les livres et en même temps s'identifie aux livres « j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage ». A son tour, en racontant son enfance, il devient la matière de son ouvrage.
Le héros de l'étranger n'est plus un enfant même si le choix de ses mots est presque enfantin : « maman est morte » contraste avec l'officiel « mère décédée » .
Il ne paraît pas non plus adulte car il n'a pas de prise de conscience de la mort : « comme si maman n'était pas morte ». Si on ne connaît ni son corps ni ses sentiments, la narration nous souligne sa sensiblité aux sensations désagréables du monde extérieur par : « Il faisait très chaud » ou « j'étais un peu étourdi ».

Ainsi, les protagonistes nous sont bien présentés par ces incipits mais sous des aspects différents. La notion de temps provoque aussi ses variations. Le héros de Camus vit dans le présent. Sa pauvreté peut expliquer cette vie au jour le jour « vous ne pouviez subvenir à ses besoins » « vos salaires sont modestes », nous apprend le dialogue avec le directeur.
Mais au delà de cette explication, il semble peu doué pour les relations avec les autres. Ainsi, il est mal à l'aise dans le contact avec le directeur « il m'a serré la main que j'ai gardé si longtemps que je ne savais trop comment la retirer ». Il avait aussi coupé ses relations avec sa mère « cela me prenait mon dimanche », essentiellement par égocentrisme.
Le héros de Proust revit son passé jusqu'à le rendre présent : en effet, en évoquant son « je » passé ; «la pensée qu' il était temps de chercher le sommeil m'éveillait », il lui permet paradoxalement revivre ce passé : « C'est minuit » est un présent de narration qui confond le temps du récit et celui de l'énonciation. C'est vrai que son passé évoque des moments de bonheur « j'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller » et une aisance matérielle : « les domestiques seront levés ».


On arrive à la conclusion ! Je reprends la question du sujet en lui apportant la réponse de chaque texte.

          Selon le roman étudié, le portrait du protagoniste est plus ou moins complet, Duras privilégiant son physique dans cette page, "je" est sujet de la phrase mais objet d'étude. Proust lui décrit les mouvements de sa pensée. Ces deux personnages inspirés de leur autobiographie contrastent avec le protagoniste de L'étranger pourtant du pays natal de Camus, davantage masqué par des évènements qui dès l'incipit, l'accablent.

mercredi 12 juin 2013

Un p'tit sujet pour réviser le roman !


Texte A : L'étranger Albert Camus 1942, Le personnage de ce roman, Meursault, vit en Algérie, pays natal de l'écrivain.
L'incipit :

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’ Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : "Ce n’est pas de ma faute." Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m’a dit : "On n’a qu’une mère." Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.
J’ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c’est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l’odeur d’essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J’ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j’étais tassé contre un militaire qui m’a souri et qui m’a demandé si je venais de loin. J’ai dit "oui" pour n’avoir plus à parler.
L’asile est à deux kilomètres du village. J’ai fait le chemin à pied. J’ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m’a dit qu’il fallait que je rencontre le directeur. Comme il était occupé, j’ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite j’ai vu le directeur : il m’a reçu dans son bureau. C’était un petit vieux, avec la Légion d’honneur. Il m’a regardé de ses yeux clairs. Puis il m’a serré la main qu’il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. I1 a consulté un dossier et m’a dit : "Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien." J’ai cru qu’il me reprochait quelque chose et j’ai commencé à lui expliquer. Mais il m’a interrompu : "Vous n’avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J’ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. I1 lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici." J’ai dit : "Oui, monsieur le Directeur." Il a ajouté : "Vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d’un autre temps. Vous êtes jeune et elle devait s’ennuyer avec vous."
C’était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l’asile, elle pleurait souvent. Mais c’était à cause de l’habitude. Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l’avait retirée de l’asile. Toujours à cause de l’habitude. C’est un peu pour cela que dans la dernière année je n’y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me prenait mon dimanche – sans compter l’effort pour aller à l’autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route.
Le directeur m’a encore parlé. Mais je ne l’écoutais presque plus. Puis il m’a dit : "Je suppose que vous voulez voir votre mère." Je me suis levé sans rien dire et il m’a précédé vers la porte.
..................................
Texte B Du côté de chez Swann Marcel Proust :



Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil m'éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière ; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour particulier ; il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison, mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n'était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d'une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j'étais libre de m'y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j'étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j'entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d'un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l'étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu'il suit va être  gravé  dans son souvenir par l'excitation qui doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour. 
J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance. Je frottais une allumette pour regarder ma montre. Bientôt minuit. C'est l'instant où le malade qui avait été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur, c'est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L'espérance d'être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis il s'éloignent. Et la raie de jour qui était sous sa porte a disparu. C'est minuit ; on vient d'éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède. 
Je me rendormais, et parfois je n'avais plus que de courts réveils d'un instant, le temps d'entendre les craquements organiques des boiseries, d'ouvrir les yeux pour fixer le kaléidoscope de l'obscurité, de goûter grâce à une lueur momentanée de conscience le sommeil où étaient plongés les meubles, la chambre le tout dont je n'étais qu'une petite partie et à l'insensibilité duquel je retournais vite m'unir. 






Texte C L'amant de Marguerite Duras (1984)



      Un jour, j’étais âgée déjà, dans le hall d’un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s’est fait connaître et il m’a dit : « Je vous connais depuis toujours. Tout le monde dit que vous étiez belle lorsque vous étiez jeune, je suis venu pour vous dire que pour moi je vous trouve plus belle maintenant que lorsque vous étiez jeune, j’aimais moins votre visage de jeune femme que celui que vous avez maintenant, dévasté. »
Je pense souvent à cette image que je suis seule à voir encore et dont je n’ai jamais parlé. Elle est toujours là dans le même silence, émerveillante. C’est entre toutes celle qui me plaît de moi-même, celle où je me reconnais, où je m’enchante.
Très vite dans ma vie il a été trop tard. À dix-huit ans il était déjà trop tard. Entre dix-huit et vingt-cinq ans mon visage est parti dans une direction imprévue. À dix-huit ans j’ai vieilli. Je ne sais pas si c’est tout le monde, je n’ai jamais demandé. Il me semble qu’on m’a parlé de cette poussée du temps qui vous frappe quelquefois alors qu’on traverse les âges les plus jeunes, les plus célébrés de la vie. Ce vieillissement a été brutal. Je l’ai vu gagner un à un mes traits, changer le rapport qu’il y avait entre eux, faire les yeux plus grands, le regard plus triste, la bouche plus définitive, marquer le front de cassures profondes. Au contraire d’en être effrayée j’ai vu s’opérer ce vieillissement de mon visage avec l’intérêt que j’aurais pris par exemple au déroulement d’une lecture. Je savais aussi que je ne me trompais pas, qu’un jour il se ralentirait et qu’il prendrait son cours normal. Les gens qui m’avaient connue à dix-sept ans lors de mon voyage en France ont été impressionnés quand ils m’ont revue, deux ans après, à dix-neuf ans. Ce visage-là, nouveau, je l’ai gardé. Il a été mon visage. Il a vieilli encore bien sûr, mais relativement moins qu’il n’aurait dû. J’ai un visage lacéré de rides sèches et profondes, à la peau cassée. Il ne s’est pas affaissé comme certains visages à traits fins, il a gardé les mêmes contours mais sa matière est détruite. J’ai un visage détruit.                                     

1/ Questions de corpus
Chaque personnage de l'incipit de ces romans dit :  « je » ; comparez ce que l'on apprend d'eux et les limites de ces autoportraits.

2/ Sujet d'écriture au choix :

Dissertation :

Montaigne écrivait dans la préface de ses Essais « je suis moi-même la matière de mon livre ». Pensez-vous que,même dans leurs romans, les écrivains font une forme d'autobiographie ou d' autofiction, comme disait Marguerite Duras ?
Vous utiliserez ce corpus mais également les textes que vous avez pu étudier cette année ou que vous connaissez personnellement.

Ecriture d'invention :

Imaginez le début d'un roman à la première personne dans lequel le personnage doit faire face à la découverte que le temps passe, sans espoir de retour.

Vous ferez le commentaire composé du texte d'Albert Camus.
Axes de lecture (STMG) :
Un cadre spatio-temporel hostile au personnage
Le personnage principal, Meursault et sa relation avec les autres.

mardi 11 juin 2013

Liste du bac en tweet

Ecriture poétique et quête du sens 
"la ballade des Pendus " ou épitaphe Villon :  macabre danse où la vie pendue à un sourcil gigote : prière d'outre-tombe pour quitter la prison, sain et sauf.

"Tant que mes yeux..." Louise Labé (1S) : yeux, voix, main sont les instruments de l'amante. La poétesse ne meurt pas d'amour mais de la perte de sa peine.

"L'invitation au voyage" Charles Baudelaire (1S) : une berceuse orientale fait de la femme un voyage, lui promet l'ailleurs pour mieux l'emmener en chambre.

"l'albatros" de Charles Baudelaire (1STMG) : mieux vaut ne pas rester terre à terre quand on est poète ou oiseau.

"Les rythmes" Léon Dierx : le poète perçoit à hauteur des yeux de son enfance, l'harmonie féminine de son île natale.


Alcools, Guillaume Apollinaire :
"les sept épées ", naines ou héroïques, elles appellent la guerre ou l'amour avant que ne se dissolve leur arc-en-ciel

"Les colchiques" : les vaches chiquent des fleurs et le poète empoisonné par deux iris rumine son chagrin

"La loreley" : autant Méduse, Sirène ou Narcisse, la nixe aux yeux rhénans, aux cheveux de flamme passe de l'autre côté du miroir.

Guillaume, "à la Santé !" la prison du temps laisse couler les sons et les rayons solaires sur l'unique porte de papier.

"Lux" Victor Hugo (1STMG) :  Au fond de ce gouffre le jour de liberté et de fraternité chassera les tyrans.

Le théâtre et sa représentation

Le jeu de l'amour et du hasard, Marivaux
Acte 1 : l'une veut l'utile et l'agréable, l'autre un homme qui n'ait pas deux visages. Jeu de l'amour...
Acte 2 : Au jeu du perroquet, les valets récitent bien leur texte mais se leurrent en croyant abuser l'autre.
Acte 3 : tout se joue sur une sortie de Dorante : on n'instruit pas un homme qui part.

Phèdre de Jean Racine : La nourrice veut tant savoir le crime de cette reine qu'à la fin, elle enclenche la tragédie en prononçant le nom fatal.

Les Bonnes de jean Genet : Ce n'est pas clair, et ce ne sont pas des anges. Mais quelle est la bonne bonne ?

Le mariage de Figaro, Beaumarchais (1S) :  quoique ce barbier ne connaisse son père, le spectateur du siècle des lumières devine dans ses révoltes la voix de Caron.

Antigone de jean Anouilh (1STMG) : La lettre dictée au garde par la petite Antigone peut faire rire ou pleurer le spectateur confident.

Le personnage de roman :
Illusions perdues d'Honoré de Balzac (1S) : Que choisira le jeune homme tiré de la vase pour signer un pacte avec le démon ?



Mme de La Fayette, La princesse de Clèves : La chambre comme un théâtre déclare sans un mot la passion de la princesse pour ce duc.

Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos : en sortant du couvent Cécile croit à la lettre qu'elle va trouver chaussure à son pied et se marier.


Moderato Cantabile de Marguerite Duras : 
Chapitre 7 : pour un saumon, quel enterrement de première classe !
Chapitre 1 : Par la fenêtre, on peut s'évader vers un monde modéré et chantant.
Chapitre 3 : boire un verre peut être prétexte à commencer une histoire d'amour par la fin.

La question de l'homme dans l'argumentation :

Supplément au voyage de Bougainville de Denis Diderot : 
( 1STMG) : le bonheur, c'est le concubinage et le partage des enfants car la propriété apporte la corruption, même dans le mariage.

 ( 1S) : Que parte vite ce chef des brigands vers son monde corrompu, laissant aux indigènes leur pauvreté heureuse, dépourvue de superflu.



Essais, Montaigne :
"Au lecteur" : Mon autoportrait sans déguisement est un testament pour tous les hommes.

"Que philosopher c'est apprendre à mourir" : Comme la naissance, la mort est un passage, donc profitons-en pour vivre avant de passer le flambeau.

1S : J'attends vos propositions pour Valéry, La crise de l'esprit.
1STMG : A votre tour d'inventer des tweets pour L'affaire de l'esclave Furcy, Mohammed Aïssaoui