Les
animaux malades de la Peste, Jean de La Fontaine (XVIIe)
(Cet
extrait n'est que le début de la fable)
Un
mal qui répand la terreur,
Mal
que le Ciel en sa fureur (1)
Inventa
pour punir les crimes de la terre,
La
Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable
d'enrichir en un jour l'Achéron, (2)
Faisait
aux animaux la guerre.
Ils
ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On
n'en voyait point d'occupés
A
chercher le soutien d'une mourante vie ; (3)
Nul
mets n'excitait leur envie ;
Ni
Loups ni Renards n'épiaient
La
douce et l'innocente proie.
Les
Tourterelles se fuyaient ;
Plus
d'amour, partant (4) plus de joie.
Le
Lion (5) tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je
crois que le Ciel a permis
Pour
nos péchés cette infortune ;
Que
le plus coupable de nous
Se
sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être
il obtiendra la guérison commune.
Notes :
(1)
"Se dit quelquefois de la colère de Dieu" (dict. de
l'Académie 1694)
(2)
dans la mythologie : Fleuve des Enfers, frontière du royaume des
Morts. Allusion à la peste de Thèbes décrite par Sophocle dans
Oedipe-Roi
(3)
à chercher à se nourrir
(4)
par conséquent
(5)
le lion traditionnellement représente le roi.
Scène d'exposition de la pièce de Sophocle :
LE
PRÊTRE
Eh
bien ! Je parlerai. Ô souverain de mon pays, Œdipe, tu vois
l’âge de tous ces suppliants à genoux devant tes autels. Les uns
n’ont pas encore la force de voler bien loin, les autres sont
accablés par la vieillesse ; je suis, moi, prêtre de Zeus ;
ils forment, eux, un choix de jeunes gens. Tout le reste du peuple,
pieusement paré, est à genoux, ou sur nos places, ou devant les
deux temples consacrés à Pallas, ou encore près de la cendre
prophétique d’lsménos. Tu
le vois comme nous, Thèbes, prise dans la houle, n’est plus en
état de tenir la tête au-dessus du flot meurtrier.
La
mort la frappe dans les germes où se forment les fruits de son sol,
la mort la frappe dans ses troupeaux de bœufs, dans ses femmes, qui
n’enfantent plus la vie.
Une
déesse porte-torche, déesse affreuse entre toutes, la Peste, s’est
abattue sur nous, fouaillant
notre ville et vidant peu à peu la maison de Cadmos, cependant que
le noir Enfer va s’enrichissant de nos plaintes, de nos sanglots.
certes ni moi ni ces enfants, à genoux devant ton foyer, nous
ne t’égalons aux dieux ; non, mais nous t’estimons le
premier de tous les mortels dans les incidents de notre existence et
les conjonctures créées par les dieux. Il t’a suffi d’entrer
jadis dans cette ville de Cadmos pour la libérer du tribut qu’elle
payait alors à l’horrible chanteuse.
Tu
n’avais rien appris pourtant de la bouche d’aucun de nous, tu
n’avais reçu aucune leçon : c’est par l’aide d’un dieu
— chacun le dit, chacun le pense — que tu as su relever notre
fortune. Eh bien ! Cette
fois encore, puissant Œdipe aimé de tous ici, à tes pieds, nous
t’implorons. Découvre pour nous un secours. Que la voix d’un
dieu te l’enseigne ou qu’un mortel t’en instruise, n’importe !
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